Le logiciel libre
Cet article est issu d’une mini-conférence que j’ai donnée dans mon école et dont vous pouvez trouver une présentation ici (version odp). Cette dernière n’est pas complète (ce n’est qu’un support), cet article l’est un peu plus même si je ne rentre pas dans tous les détails. Je ferai un second article pour traiter de la culture libre un peu plus tard.
Je n’ai pas vocation à être exhaustif, mais je pense que cet article va donner une bonne vue d’ensemble sur le logiciel libre et pourra aider celles et ceux qui comptent faire une présentation sur le sujet (c’est la principale raison pour laquelle je l’ai écrit). Par contre, il est long (comme un longcat, au moins. Et y’a même pas d’images.).
Merci à Arcans pour les remarques et à Elzen pour la relecture complète et les quelques ajouts.
Pour beaucoup de personnes, le logiciel libre est un truc de geek qui ne mérite pas qu’on s’y intéresse ; et encore plus de personnes n’ont aucune idée de ce que ça peut bien être. Pourtant, il est quasiment certain que si vous avez déjà utilisé un ordinateur, vous avez déjà aussi utilisé des logiciels libres. En effet, Mozilla Firefox, VLC et bien d’autres logiciels utilisés quotidiennement sont libres. Dans un registre un peu plus technique, certains des principaux serveurs sont libres, tels qu’Apache ou nginx ; c’est aussi le cas de systèmes d’exploitation comme GNU/Linux ou *BSD. Si ces derniers sont peu connus du grand public, ils équipent pourtant une grande majorité des supercalculateurs dans le monde (plus de 95% d’entre eux tournent sous GNU/Linux). Par ailleurs, beaucoup d’équipements domestiques (box internet, GPS, smartphones, etc.) utilisent des systèmes libres – ou ont au moins une base issue du libre. Enfin, l’immense majorité des serveurs internet utilisent GNU/Linux. Vous êtes d’ailleurs en train de consulter un blog utilisant GNU/Linux par l’intermédiaire de la distribution Ubuntu server.
Bref, le logiciel libre n’est pas à prendre à la légère et est un acteur important du monde de l’informatique, au même titre que son « ennemi héréditaire », le logiciel privatif (souvent appelé « logiciel propriétaire »). Je vais donc essayer d’écrire un article détaillé sur le sujet, même s’il ne sera pas exhaustif. Si vous voulez plus de renseignements sur certains détails, je vous invite à vous référer aux pages Wikipédia correspondantes, qui sont pour la plupart complètes. Voici le plan que je vais suivre :
- Histoire du logiciel libre
- Définitions
- Philosophie et avantages
- Licences libres
- Économie du libre
Histoire du logiciel libre
La préhistoire
Le logiciel libre n’est apparu que dans les années 80. Cependant, la philosophie associée existait déjà depuis bien longtemps, et un certain nombre d’événements antérieurs à son apparition « officielle » l’ont impacté.
Jusque dans les années 70, l’informatique était surtout utilisée dans les cadres militaires et universitaires. Pour ce dernier cas, l’informatique était alors libre d’être étudiée – comme c’est le cas pour les sciences en général. Ainsi, si un universitaire créait un programme ou inventait un algorithme, il était de coutume de le partager avec la communauté scientifique, ce qui forme une des bases du logiciel libre. Un certain nombres de protocoles de l’époque ont été d’ailleurs largement utilisés pour le partage de connaissance, le plus connu d’entre eux étant probablement Usenet.
Le système d’exploitation le plus répandu de l’époque, Unix, n’est pas libre, tout comme la plupart des programmes sur lesquels sont appliqués les copyright habituels ; cependant, les restrictions apportées par les licences étaient peu ou pas appliquées. D’ailleurs, certains des rares cas de désaccord sur l’utilisation de logiciels sans autorisation sont rentrés dans l’histoire.
Cependant, au début des années 80 l’informatique va connaître un tournant décisif. En effet, l’arrivée sur le marché d’ordinateurs grand public (du fait notamment de l’émergence d’entreprises telles qu’IBM) va amener une certaine unification du matériel et une diversification des usagers. Dans ces conditions, les entreprises trouvent vite l'intérêt d'accaparer le marché, et font pour cela appel au cadre légal des brevets, qui commence alors à envahir l'informatique.
L’apparition du logiciel libre
C’est ainsi que Richard Matthew Stallman (abrégé en R.M.S.) se rend compte de l’apparition de restrictions au sein des logiciels qu’il utilise dans son laboratoire du M.I.T. Pour la petite histoire, il se serait rendu compte de ce problème en voulant modifier les pilotes de l’imprimante qui étaient non-fonctionnels, pilotes dont le code source [code source : le texte représentant les instructions lues et interprétées par l’ordinateur] n’était pas disponible.
En 1983, R.M.S. lance le développement d’un système d’exploitation (GNU, un acronyme récursif pour GNU’s Not Unix) qui se veut être l’équivalent libre d’Unix. Deux ans plus tard, il fonde la Free Software Fundation (FSF), une association chargée de promouvoir le logiciel libre et de participer au financement de GNU. En 1989, la FSF sort la première version de la GNU General Public Licence, une des licences de base du logiciel libre. Enfin, en 1991 Linux Torvalds créé Linux, un noyau libre qui, associé à GNU qui n’attendait que ça, donnera GNU/Linux, l’un des fers de lance du logiciel libre.
En 1999, Eric Raymond, le fondateur de l’Open Source Initiative (OSI) publie La Cathédrale et le bazar et pose les bases de la philosophie de l’open source. Bien que celle-ci soit proche de celle du libre, elle diffère sur certains points – mais j’entrerai dans les détails dans la partie suivante.
Diffusion du logiciel libre
Depuis les années 2000, le logiciel libre a quitté la sphère des geeks pour se répandre dans tout le monde de l’informatique. Je ne peux pas lister tous les événements marquants depuis cette période, cependant certaines entreprises prônant le libre ont eu du succès et ont donné au logiciel libre ses lettres de noblesse, comme notamment Red Hat (qui édite des systèmes d’exploitation libres pour les entreprises) qui est entrée en bourse en 1999 et qui est une société reconnue et en pleine réussite. De plus, en France, l’assemblée nationale puis la gendarmerie ont tour à tour fait le choix des OS libres en choisissant d’utiliser Ubuntu (une distribution GNU/Linux). Par ailleurs, le gouvernement a sorti plusieurs circulaires invitant les administrations à privilégier les logiciels libres, notamment pour l’éducation.
Bref, comme on peut le voir le logiciel libre se répand et se fait connaître. Cependant, je n’ai toujours pas dit ce que c’était. Il est peut-être temps que je remédie à ça, non ?
Définitions
Les plus observateurs d’entre-vous auront remarqué que je parle de « définitions » au pluriel. En effet, il existe deux courants majeurs dans le logiciel libre. Plus précisément, l’un d’entre eux prône le logiciel libre (free software), l’autre l’open source. Et comme je l’ai précisé plus haut, il y a quelques différences de taille entre les deux. Commençons déjà par parler du logiciel libre, qui est apparu en premier.
Le logiciel libre
Pour la FSF, un logiciel est dit libre si, et seulement si, il respecte les quatre libertés suivantes :
- liberté d’exécution pour tous les usages ;
- liberté de l’étudier ;
- liberté de le redistribuer ;
- liberté de le modifier.
Pour simplifier un peu les choses, je ne parle là que de la définition de la FSF. Cette définition est celle de référence et est restée volontairement simple. Il faut savoir que Debian a aussi créé ses propres critères, plus complets et plus orientés sur le côté pratique, et réutilisés par la suite par l’OSI pour définir l’open source.
L’open source
L’OSI a voulu faire un peu plus compliqué et propose une définition en dix points : Ici, je me suis fait reprendre par Elzen, qui dit : “Pas plus compliqué, plus précis et plus rigoureux. La définition par la FSF se veut « human-friendly », celle de l'OSI se veut « juriste-friendly »”.
- redistribution libre ;
- code source accessible ;
- travaux dérivés et leurs redistributions autorisés ;
- intégrité du code source et de l’auteur : en cas de modification, il faut permettre la consultation du code de départ et en mentionner les auteurs
- non-discrimination contre les personnes ou groupes ;
- non-discrimination contre les usages ;
- distribution de licence ;
- licence inhérente au produit, quelque soit la manière dont il a été obtenu ;
- la licence ne doit pas imposer de restrictions sur d’autres logiciels ;
- enfin, la licence doit être neutre.
Quand je vous dis qu’ils ont voulu nous embêter…
Libre, open source… mais c’est pareil !
Oula, malheureux ! Il ne faut jamais dire ça ! Non, ces deux notions sont proches… mais différentes. Elles n’ont pas été bâties avec la même vision. Le libre est avant tout éthique ; l’open source est orienté fonctionnel. Ainsi, les partisans du logiciel libre le défendent pour la philosophie qui y est attachée ; ceux en faveur de l’open source rejettent toute idée de philosophie et l’utilisent par praticité, en ce concentrant plus sur les aspects techniques. Ainsi, le libre et l’open source sont similaires juridiquement, mais différents éthiquement : « le libre est un but, l'open un moyen ».
Ainsi, par la suite, je parlerai surtout du logiciel libre, mais il ne faudra donc pas oublier que la majorité de mon propos sera transposable à l’identique pour l’open source.
Philosophie et avantage
Pourquoi choisir le libre ?
Malgré ce que diront les détracteurs acharnés du logiciel libre, il existe un certain nombre d’arguments de poids en faveur de ce dernier. En voici quelques-uns.
La sécurité
Un des mythes les plus tenaces consiste à penser que les logiciels libres sont forcément gratuits, et donc qu’il sont choisis principalement pour cette raison. Ceci est faux : l’argument principal avancé par les entreprises est la sécurité apportée par de tels logiciels. En effet, le propre du logiciel libre est d’avoir un code ouvert, lisible par tous. Ainsi, les failles sont trouvées plus rapidement et corrigées dans la foulée. De plus, le fait d’avoir accès aux sources permet de s’assurer qu’il n’y a pas de code malveillant inclus dans le logiciel ; à une époque où l’espionnage économique fait rage, c’est un argument de poids. Par exemple, l’administration états-unienne soupçonne des entreprises chinoises d’avoir inclus des portes dérobées dans les logiciels inclus dans leur matériel (notamment dans des routeurs) ; utiliser des logiciels dont les sources sont ouvertes permettrait de s’assurer du contraire et de ne pas prendre de risques.
Pour ceux qui douterait de l’efficacité de l’ouverture du code pour détecter les failles, on peut leur rappeler que les recherches en cryptographie utilisent le même fonctionnement : au lieu que chacun ne créé son propre algorithme de chiffrement dans son coin, les nouveautés sont proposées à la communauté scientifique qui peut les éprouver efficacement.
L’économie
Cependant, il serait faux de dire que l’argument économique ne joue pas en faveur du logiciel libre. En effet, le coût des licences est une charge importante pour les entreprises, et il est légal de se procurer un logiciel libre gratuitement. Cependant, les entreprises peuvent faire le choix entre la gratuité totale ou le support payant. Par exemple, Red Hat a choisi de fournir des contrats de support – et ça marche très bien.
L’autonomie
Pour commencer, une petite anecdote : une mairie de ma connaissance utilise depuis pas mal d’année un logiciel spécifique pour gérer le cimetière de la ville. Tout marche bien, sauf que le logiciel arrive en fin de vie et qu’il faut le remplacer. Problème, les données sont stockées dans un format propriétaire, uniquement lisibles par ce logiciel. Les employés ont donc dû transférer « à la main » les données concernant des milliers de tombes dans le nouveau logiciel. Si le premier logiciel avait été libre – ou avait au moins utilisé un format ouvert pour le stockage –, le second logiciel aurait pu se voir implémenter une fonction de transfert. Un clic, et c’était fini.
C’est là une des grandes forces du logiciel libre : on choisit son partenaire pour sa valeur intrinsèque, et non pas parce qu’on est obligé (par exemple parce que c’est le seul à pouvoir lire les données de l’ancien logiciel). Ça permet donc de faciliter les migrations, mais aussi l’intégration dans différents outils : qui n’a jamais pesté parce qu’un document créé par Microsoft Word était mal lu par OpenOffice.org ? Ce problème vient simplement du fait que Microsoft a choisi de laisser ses formats (.doc, .docx, etc.) sous licences propriétaires, empêchant ainsi les autres traitements de texte de les implémenter efficacement, ou empêchant même la rétrocompatibilité, ce qui est un comble. Ainsi, les versions récentes de Word ne lisent pas correctement les documents créés par les (très) anciennes versions.
Enfin, le logiciel libre permet aussi à une entreprise ou à une nation de s’assurer une indépendance vis à vis des concurrents ou des autres pays. Par exemple, qui verrait Cuba ou la Chine utiliser Windows dans leurs administrations ? D’ailleurs, comme dit précédemment, la France a elle aussi compris les dangers de l’enfermement dans des technologies dont les clefs sont détenues par des puissances étrangères (États-Unis en tête) et cherche donc à privilégier les logiciels libres.
Zoom sur les formats
Dans la partie précédente, j’ai abordé l’avantage des formats libres sur les formats propriétaires. Pour être plus exact, il existe trois types de formats :
- les formats propriétaires fermés, dont les spécifications sont jalousement gardées par l’entreprise qui les a créés, et dont tout usage est assujetti à accord préalable de l’entreprise (souvent en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes). C’est donc le cas pour le format doc, mais aussi pour les rar et beaucoup d’autres formats plus ou moins répandus. Si on veut pouvoir les utiliser sans payer de licence, il faut passer par de la rétro-ingénierie, méthode longue et pas toujours efficace (grosso-modo, il faut « deviner » comment ça marche. Pas pratique.) ;
- les formats fermés : ceux-ci sont aussi propriété d’une entité privée, mais les spécifications ont été libérées afin que tout le monde puisse les utiliser. Les modalités d’utilisation changent pour les formats, mais on peut prendre le format mp3, propriété de MPEG, pour montrer comment ça fonctionne. Si son implémentation logicielle est gratuite (bien qu’il y ait quelques subtilités selon les pays, ce qui empêche la plupart des systèmes d’exploitation de l embarquer par défaut), si une entreprise veut l’implémenter dans un dispositif matériel (par exemple un baladeur), il lui faut payer une redevance ;
- les formats ouverts, comme le pdf : les spécifications et l’utilisation sont sans restriction, mais on ne peut pas le modifier ;
- enfin, les formats libres, dont les spécifications et l’utilisation ne font l’objet d’aucune restriction et qui est modifiable par tout le monde. On peut citer les formats odt (contre doc ou docx), jpeg, ogg (contre mp3), et multitude d’autres.
Pour qu’un format soit choisi par les organismes de standardisation, il faut qu’il soit ouvert ou libre.
Adaptabilité
Le logiciel libre est modifiable, donc adaptable. Les entreprises peuvent ainsi employer un logiciel qui pourra être modifié pour remplir parfaitement les tâches qui lui seront demandées ou facilement complété, plutôt que de développer from scratch (c’est à dire de rien) un nouveau logiciel ou faire avec une autre solution qui sera moins efficace.
Impact pour les éditeurs
Enfin, si les entreprises et les particuliers ont tout intérêt à choisir les logiciels libres, qu'en est-il des éditeurs ? Le constat est simple : eux aussi s’y retrouvent. En effet, le logiciel libre permet de facilement fédérer une communauté autour d’un projet, ladite communauté étant un plus non négligeable pour les éditeurs. Elle remonte les bugs, propose des correctifs ou des améliorations, ou encore fait de la publicité. Red Hat l’a bien compris et propose une version totalement gratuite et sans support à la communauté (Fedora), ce qui lui permet de faire des tests avant d’implémenter les nouveautés dans les solutions professionnelles et de profiter des retours de la communauté.
De plus, l’utilisation des logiciels libres permet de ne pas réinventer la roue. Ainsi, il est facile de partir sur des bases déjà existantes pour simplement ajouter les fonctionnalités manquantes, ce qui implique un gain de temps non négligeable.
Bon, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour vous montrer les avantages du logiciel libre. Si j’avais votre curiosité, j’espère maintenant avoir votre attention. D’ailleurs, je suis sûr que vous vous posez la question fatidique : « c’est bien beau tout ça, mais est-ce qu’on peut gagner de l’argent avec le libre ? ». La réponse est oui, mais avant d’aborder ce point, je vais commencer par vous dire comment faire du logiciel libre, et plus précisément quelles sont les licences libres existantes.
Les licences libres
Il existe beaucoup de licences libres – d’aucuns diront qu’il y en a un peu trop. Pour s’y retrouver, on peut les classer de deux manières différentes. La première, et la plus logique, est de les classer selon leur permissivité, c’est à dire selon ce qu’elles permettent et ce qu’elles interdisent. Par définition, une licence libre est plus permissive qu’une licence privative; mais au sein même des licences libres, il existe des variations qui rendent certaines d’entre elles moins permissives que d’autres et inversement. Une autre méthode pour s’y retrouver dans cette jungle est de les considérer selon leur type et leurs compatibilités entre elles. Par exemple, une licence peut être « compatible GPL », ce qui signifie que dans les faits les deux licences peuvent être utilisées ensembles et, de facto, donnent sensiblement les mêmes droits et imposent les mêmes restrictions.
La notion de licence libre est souvent associée à celle de copyleft, qui est la notion juridique associée à une œuvre libre – et qui est un copyright détourné pour favorisé la distribution. Selon la permissivité, on peut parler de plusieurs types de copyleft : copyleft fort (peu permissif), faible, ou sans copyleft.
Par la suite, je vais présenter quelques licences. J’ai essayé de sélectionner les plus répandues et les plus représentatives, mais cette liste est loin d’être exhaustive.
GNU GPL et quelques dérivées
La GNU GPL (GNU General Public Licence) est la licence historique. Son principe est très simple : elle ne fait que garantir les quatre libertés que la FSF associe au logiciel libre et que j’ai citées plus haut. Du fait de son importance, j’ai trouvé intéressant de vous copier l’en-tête qui doit être incluse avec tout programme distribué sous la GPL :
This program is free software: you can redistribute it and/or modify it under the terms of the GNU General Public License as published by the Free Software Foundation, either version 3 of the License, or (at your option) any later version.
This program is distributed in the hope that it will be useful, but WITHOUT ANY WARRANTY; without even the implied warranty of MERCHANTABILITY or FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. See the GNU General Public License for more details.
You should have received a copy of the GNU General Public License along with this program. If not, see http://www.gnu.org/licenses/
GNU LGPL
Comme vous pouvez le constater, la GPL n’est pas très permissive : en effet, elle oblige toute modification du programme placé sous cette licence à être elle aussi distribuée sous GPL (« you can redistribute it and/or modify it under the terms of the GNU General Public License », c’est à dire qu’elle est héréditaire). Comme certains n’ont pas apprécié ce copyleft somme toute assez fort (j’en reparlerai plus loin), GNU a créé la LGPL (Lesser General Public Licence), qui est très proche mais pour laquelle cette clause d’hérédité a été supprimée.
GNU AGPL
Un autre problème de cette licence est qu’on n’est pas obligé de placer nos modifications sous licence GPL tant qu’on ne les redistribue pas. Ainsi, si je prend un CMS sous licence GPL pour créer mon site web, que je le modifie et que je déploie tout ça, je ne suis pas obligé de publier le code de mes modifications, alors que les visiteurs utilisent mes modifications. Pour pallier à ça, il existe la AGPL (Affero GPL), dont le but est d’adapter la GPL aux usages sur les réseaux.
Open Software Licence
Cette licence, très proche de la LGPL, reprend simplement les dix points donnés par l’OSI en tant que définition d’un logiciel open source et a un copyleft fort. En effet, elle possède un certain nombres de mécanismes de protection. Parmi les plus important, on peut citer une clause de terminaison automatique en cas de poursuite judiciaire pour violation de brevet (dans le cas où le détenteur de la licence attaque quelqu’un d’autre, bien entendu, pas l’inverse) ou encore la garantie de provenance.
Licence BSD modifée
La Berkeley Software Licence modifiée (« modifiée », car il y a eu plusieurs versions de cette licence) est très utilisée car elle est très permissive : il faut simplement que le texte de la licence soit distribué avec le logiciel et que les noms des auteurs du programme ne soient pas utilisés pour faire la publicité des produits dérivés sans accord écrit.
Domaine publique et unlicence
Comme on s’en doute, un auteur plaçant une des ses créations dans le domaine public renonce à tout droit dessus. Cependant, on ne peut pas mettre une de ses œuvres dans le domaine public (auquel cas un copyright lui est automatiquement appliqué). Heureusement, il existe des licences le permettant : la WTFPL (What The Fuck Public Licence), ou la unlicense sont deux licences garantissant les mêmes droits à l’œuvre que si elle était dans le domaine public.
Pourquoi tant de licences libres ?
C’est vrai ça, c’est tout de même étonnant. Y aurait-il des licences plus libres que d’autres ? Et bien, c’est un vaste débat. En effet, les licences très permissives (unlicence ou BSD par exemple) semblent très libres, mais elle permettent à n’importe qui de récupérer le code et de l’inclure dans un programme propriétaire. Au contraire, les licences moins permissives, la GPL en tête, enlèvent cette liberté, mais dans le seul but de protéger les autres libertés. Ainsi, toutes ces licences sont libres, seules leurs permissivités changent.
Ça y est, vous savez comment publier un logiciel sous licence libre ! Mais maintenant, vous voulez savoir si vous pouvez gagner des sous avec. Bon, soyons honnête : à moins que vous ne visiez le marché professionnel, ça va être difficile – en même temps, depuis quand n’avez-vous pas acheté de programme autre qu’un jeu-vidéo ? Cependant, des entreprises arrivent à en vivre. Voyons comment elle font.
Économie du logiciel libre
Avant de commencer, je voudrais vous prouver qu’on peut faire du libre et avoir du succès. J’ai déjà cité à plusieurs reprise Red Hat, qui sert de modèle aux entreprises du genre. Mais en France aussi nous avons des sociétés libres qui marchent bien. On peut notamment parler de Linagora, avec ses plus de 12 millions d’euros de chiffre d’affaire, et qui fournit aux entreprises et aux administrations des solutions informatiques libres et le support qui va avec.
Il existe donc plusieurs modèles économique pour le logiciel libre. Je vais ici en présenter quelques-uns, sans trop entrer dans les détails car c’est loin d’être ma partie favorite. Si jamais vous êtes intéressés, je vous invite à consulter les sources (en fin d’article), j’y donne quelques liens desquels je me suis très fortement inspiré.
Modèle de services
C’est le modèle le plus simple et le plus répandu. L’entreprise fourni le logiciel, mais aussi les services dont son client pourrait avoir besoin :
- Conseil ;
- Tests et garantie ;
- Installation ;
- Formation ;
- Surveillance et assistance technique ;
- Sauvegarde ;
- etc.
Dans le cas d’un modèle de service simple, le logiciel est distribué gratuitement. En cas de besoin, une société utilisatrice peut faire appel à une autre entreprise (qui n’est pas nécessairement l’éditrice du logiciel) qui lui fournira les services demandés. Un cas très simple est celui de nombreux sites web : si vous souhaitez en ouvrir un mais que vous n’avez ni le temps, ni les compétences, vous pouvez demander à une société qui pourra utiliser un CMS libre (Worpress, Drupal) et l’adapter à vos besoins.
Le modèle à valorisation indirect est proche, mais la société éditrice du logiciel profite en plus des retours des utilisateurs pour améliorer son offre : c’est donc elle qui propose les services associés, afin de faire évoluer son logiciel au plus proche des attentes des utilisateurs.
Modèle de distribution à valeur ajoutée
C’est le modèle utilisé par Red Hat. L’entreprise propose deux versions : une version totalement gratuite (Fedora), et une autre payante (Red Hat Enterprise Linux) qui associe le logiciel et les services. Ainsi, les clients paient pour ces derniers, et non pas pour la licence. Cependant, il faut que l’entreprise soit attractive, pour ne pas qu’un concurrent soit sélectionné à sa place pour fournir les services. De plus, l’éditeur peut proposer une garantie de fonctionnement sur la durée avec des mises à jour.
Apport de valeur ajouté
Un éditeur peut proposer une base libre utilisable, tout en restant à disposition pour développer des solutions personnalisées pour ses clients. Par ailleurs, le produit final avec plus de fonctionnalités est parfois lui placé sous licence privative : on parle alors de modèle à licence double.
Modèle des doubles-licences
Cette fois-ci, l’éditeur propose deux versions de son programme là première est libre mais incomplète, et est un « produit d’appel » ou est destiné à la communauté ; une seconde version sous licence privative est plus complète et est destinée à la vente. Pour l’éditeur, ce modèle combine les avantages du libre (notamment la présence d’une communauté et les bienfaits associés) et du privatif (les clients doivent acheter une licence pour pouvoir utiliser toutes les fonctionnalités du logiciel).
Autres modèles
Il existe d’autres modèles qui sont souvent utilisés pour les produits à destination d’utilisateurs non professionnels :
- partenariat : par exemple Firefox a choisi Google comme moteur de recherche par défaut en échange d’un financement ;
- financement : on peut citer IBM qui participe au développement de GNU/Linux. Ce financement n’est pas inintéressé : IBM utilise ce système d’exploitation sur un grand nombre de ses machines ;
- mécénat (il faut avoir de la chance) : Ubuntu, en grande partie supporté par la fortune de M. Shuttelworth ;
- publicité ;
- produits dérivés (comme par exemple la boutique Mozilla).
Conclusion
Au début de l’article, je disais que les logiciels libres étaient une alternative convaincante aux logiciels propriétaires ; j’espère maintenant vous en avoir convaincu. Si jamais vous hésitez toujours, dites vous que le propriétaire défend l’éditeur aux dépens des utilisateurs, et que le libre met tout le monde au même niveau.
Sources et liens utiles
Pour toutes les généralités sur le logiciel libre ainsi que sur les licences, j’ai pas mal consulté Wikipédia, qui a le mérite d’être assez complet sur ces sujets. J’ai bien entendu aussi consulté beaucoup le site de la FSF ou celui de l’OSI. En ressource française, j’ai aussi utilisé le site de l’APRIL et celui de l’AFUL.
Plus spécifiquement, pour la partie concernant les modèles économiques je me suis basé avant tout sur les travaux de D. Caillet, complétés par cette page sur le site de l’AFUL et par un livre blanc sorti par l’APRIL.
En plus de ces sources « officielles », de nombreux blogs traitent du sujet : les planet libre ou ubuntu-fr, le framablog ou encore beaucoup de blogs personnels.