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Le nom du Vent – Patrick Rothfuss

Kvothe a été l’un des plus grand magicien de tous les temps. « A été », parce que maintenant il attend tranquillement la mort, retiré dans son auberge. Cependant, Chroniqueur vient le retirer de sa retraite pour que Kvothe lui raconte son histoire. Nous voilà donc embarqué dans un long roman initiatique, qui commence par la prime jeunesse de Kvothe dans une troupe de musiciens ambulants et qui continue à l’université où retentissent pour la première fois les rumeurs de ses exploits.

couverture

Pour l’instant, seul deux tomes sont parus (le troisième et dernier est attendu en 2014). Comme je les ai dévorés très rapidement, je vais parler des deux tomes à la fois. Ça représente quelque chose comme 2000 pages, mais ça se lit vite : l’écriture est fluide, poétique. Le narrateur – Kvothe – est un musicien, et ça se ressent dans son récit. D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, il faut saluer l’excellent travail de la traductrice, Colette Carrière. Avant de vérifier, j’ai cru que l’auteur était français, c’est dire la qualité de la traduction. Elle a su retranscrire au mieux l’écriture si particulière et agréable, et la musique transparaît sous les lignes. Quelques pointes d’humour viennent agrémenter un récit qui, s’il n’est pas trop sombre, n’est pas toujours très léger. La violence, élément malheureusement souvent considéré comme incontournable pour la fantasy, est réduite à sa plus simple expression, ce qui est appréciable.

L’histoire est globalement assez lente, notamment les huit premiers chapitres, pas spécialement intéressants. Mais par la suite, Patrick Rothfuss, l’auteur, raconte dans le menu détail les aventures de Kvothe, que ce soit à l’université ou ailleurs. On ne peut d’ailleurs pas s’empêcher de faire certains rapprochement avec la saga des Harry Potter ; l’histoire est tout aussi prenante, et le héro partage un certain nombre de caractéristiques avec le jeune sorcier : un jeune, doué pour se mettre dans le pétrin, étudie dans une école élitiste ou il se distingue dès qu’il le peut. On peut regretter que Kvothe soit aussi « grande gueule », et qu’il s’en sorte toujours aussi bien. Et puis bon, il est beaucoup trop intelligent. En fait, il est parfait : beau parleur, intelligent mais pas intello, il réussit presque tout ce qu’il entreprend… Et c’est parfois un peu lassant. Enfin,je dis ça, mais on prend énormément de plaisir à le voir se défaire de l’adversité, même si ça le pousse à avoir la grosse tête. Il est le meilleur, il le sait, et il le dit : au moins, pas de fausse modestie.

À titre personnel, j’ai aussi trouvé qu’il y avait pas mal de ressemblances avec Terremer, de U. K. Le Guin, notamment pour ce qui est de l’approche de la magie et le pouvoir des noms. Cependant, le traitement qui en est fait est radicalement différent : les noms sont insaisissables, et leur apprentissage relève plus de la recherche poétique que de la puissance magique.

Bon, il y a quelques détails gênants. Par exemple, l’auteur nous immerge dans un monde avec ses propres conventions, ce qui est bien ; cependant, certaines d’entre elles ne sont pas explicitées. Un talent d’argent vaut combien de sous ? Un espan correspond à combien de jours ? (la réponse, onze, est donnée au début du second tome). Mais ces manquements sont trop rares pour qu’on puisse vraiment en tenir rigueur.

Pour résumer, c’est un livre magnifique que je n’ai pu m’empêcher de dévorer. Pour moi, il est clairement à ranger parmi les meilleurs romans initiatiques qui soient, et a clairement le potentiel pour se ranger dans le panthéon de la fantasy. Les quelques défauts qu’on peut lui trouver – la lenteur de certains passages, la perfection insolente de Kvothe, ou encore certains manques d’explication – sont totalement contrebalancés par l’écriture envoûtante, et par l’originalité dont fait preuve l’auteur dans ses reprises des canons du genre (le dragon herbivore accro à la drogue, c’est du jamais vu !). Bref, à lire de toute urgence… avant de se lamenter devant le temps d’attente pour le dernier tome.